Un livre, un auteur
L’homme qui n’avait rien compris - Youcef Zirem
C'est avec beaucoup de plaisir que nous recevons dans Échos littéraires, l'écrivain Youcef Zirem. Écrivain, poète, romancier et journaliste algérien de langue française, Youcef Zirem voit le jour à Akfadou, à Béjaïa. Ingénieur en hydrocarbures de formation, diplômé de l'IAP de Boumerdès, il entame une brève carrière dans le secteur industriel à Hassi Messaoud avant de devenir journaliste à la suite des tragiques événements d'octobre 1988. Youcef Zirem publie des livres depuis 1995. Comme journaliste, Youcef Zirem a fait partie de plusieurs rédactions : la Nation, Le Quotidien d'Oran, l'Opinion, Le Quotidien d'Algérie. En France, Youcef Zirem a écrit pour le quotidien Ouest-France, pour la revue Ubu, pour le magazine Managers, entre autres. Il a également animé une émission littéraire, Graffiti, sur BRTV de 2012 à 2016. À la radio, Youcef Zirem a fait des chroniques littéraires sur France-Info et radio Quasimodo. Depuis 2017, Youcef Zirem est l'animateur du café littéraire parisien de l'Impondérable.
Résumé du livre
Au beau milieu de la terrible canicule de 2003, Daniel, juif berbère exilé à Paris, ne veut pas organiser les funérailles de son père à qui il en veut de l’avoir abandonné ainsi que sa mère afin de suivre en France sa maîtresse. Une histoire entre Paris et Alger. On ne se lasse pas de lire ce roman tant il nous parle. Un roman qu'il faut lire. Un livre passionnant à bien des égards ! L'histoire se déroule entre Alger et Paris. Une écriture fluide qui nous rappelle Camus, mais aussi Faulkner. Ce livre pose beaucoup d'interrogations et amène le lecteur dans les méandres de la pensée et de l'âme humaine.
L'entrevue :
Échos Littéraires : Youcef Zirem, bonjour. Merci d’avoir accepté notre invitation. Merci aussi pour ce beau roman, un livre, il faut le dire, qui est d’une insondable solitude, qui nous bouscule même dans nos petites certitudes. Comment vous ai venu l’idée d’écrire ce roman, ce plaidoyer sur nos trajectoires humaines ?
Youcef Zirem : Bonjour, merci de me donner l’occasion de parler un peu de mes livres. Votre question concerne l’un de mes romans, L’Homme qui n’avait rien compris, publié chez les éditions Michalon, à Paris, en 2013, réédité en 2018 et en 2021. L’idée de départ de ce texte m’a été offerte par les conséquences de l’énorme canicule de l’été 2003 qui avait frappé la France. Que des enfants refusent d’enterrer leurs parents m’avait alors choqué. J’ai écrit d’autres romans dont La Vie est un grand mensonge, Le Chemin de l’éternité, La Porte de la mer, les Étoiles se souviennent de tout, ou encore la Cinquième mascarade. À travers tous ces textes, j’essaie de prendre du recul sur la vie de chaque jour pour cerner tant d’injustices qu’il y a dans le monde.
Échos Littéraires : Beaucoup ont vu dans votre roman une ressemblance avec L’étranger, d'Albert Camus, une sorte d’atmosphère qui plane avec cet humanisme qui repose sur le constat de la condition humaine et sur un profond amour de l’autre, dans ce qu’il a de fragile et d’émouvant. Êtes-vous d'accord ?
Youcef Zirem : J’ai du respect pour l’humanisme de Camus, j’ai de l’admiration pour sa persévérance ; il est issu d’un milieu social assez modeste. Mais je n’imite aucun écrivain quand j’écris. J’essaie de rester moi-même, je n’écris ni pour gagner de l’argent ni pour être connu. Je suis passionné par les mots depuis ma jeunesse, je me fais plaisir en publiant des textes, tout en restant vigilant face au risque d’être récupéré ou de perdre mon âme au cours de route.
Échos Littéraires : On le voit très bien, Daniel est avant tout un homme en colère et ce roman est aussi est une manière de s’approprier le temps, le domestiquer et de l'accaparer. Au point où vous dites même, que vous voulez que le temps devienne votre compagnon de route. Cette colère explique t'elle aussi, autre chose ?
Youcef Zirem : Daniel est un personnage dont la colère peut être partagée par des millions de personnes à travers ce monde, profondément injuste qui est impitoyable avec les plus faibles, à tous les niveaux. Tenter d’apprivoiser le temps est un peu chimérique, mais c’est une façon d’essayer d’apprécier les choses simples de la vie ; ce sont elles qui nous donnent, parfois, les plus grands bonheurs.
Échos Littéraires : j’aime beaucoup une de vos citations, quand vous dite « Écrire, c’est essayer de retenir le temps » Est-ce qu’on arrive à le faire, ou du moins un peu ?
Youcef Zirem : Personne ne peut retenir le temps, mais avoir la conscience que nous ne sommes que des passagers sur cette belle Terre que nous malmenons est déjà un acquis qui fait adoucir, à bien des égards, ce temps, « ce joueur avide qui gagne, sans tricher, à chaque coup », pour reprendre Baudelaire.
Échos Littéraires : En tentant d'expliquer pourquoi il n'a pas voulu enterrer son père, Daniel Benyacoub tombe aussi dans une forme de résignation. Est-ce qu'il a des remords, éprouve-t-il comme un sentiment de trahison ?
Youcef Zirem : Daniel est devenu réaliste à force de désillusions, il n’a pas beaucoup de remords malgré son parcours chaotique, mais il n'arrive pas à pardonner à son père, car il aime beaucoup sa mère. Daniel ne tente pas de se justifier ; il se raconte, il est parfois dans des certitudes tout comme il lui arrive de douter et de se poser des tas de questions.
Échos Littéraires : Pour finir, nos lecteurs aimeront très certainement savoir si vous travaillez actuellement sur un nouvel ouvrage et peut-on connaître les prémices ?
Youcef Zirem : Je vais publier, je ne sais pas quand, un nouveau roman dont l’histoire est racontée par un homme né à Alger en 1930. Professeur de littérature à l’université, d’origine européenne, il a fait le choix de rester en Algérie après 1962. Je ne me presse pas de faire sortir ce nouveau texte, car j’ai déjà publié plus d’une vingtaine de livres. Cela fait trente ans depuis que je publie des livres.
Merci beaucoup Youcef Zirem.
Propos recueillis par Djaffar Kaci